02 juillet 2010

Mon premier coup de foudre : la plus belle peur de ma vie


Régulièrement, des événements font que l'on se rappelle que l'on n'est pas grand chose face à la nature... Je n'avais pas particulièrement besoin de ce rappel, mais bon...

Avec deux potes de ma promo, on décide de se faire un sommet ce mercredi. On prend la météo, couvert le matin, dégagé l'après-midi.
On part tôt, à 8h du matin on est sur le chemin.

Je suis vite fatiguée, mais ils m'attendent régulièrement et lorsque je leur dis que je suis désolée, ça n'a pas l'air de les déranger.

Au bout de 4 heures on arrive au sommet. Selon le topo, on a plutôt été pas mal, malgré le temps que je leur faisais perdre. Ils étaient au sommet depuis 10 minutes, et l'un d'eux avait commencé à faire les sandwichs.
On s'installe, des gouttes tombent. On mange puis on ne traîne pas, on repart.

Et là ce n'est plus des gouttelettes qui tombent mais des grêlons ! De petits grêlons mais en quantité. J'en ai plein les cheveux, heureusement on descend, on ne les prend pas de face, mais ça fait mal sur le dessus des oreilles.

On ne sait pas trop quelle décision prendre. Le circuit en boucle vers le refuge ou demi-tour en s'éloignant des nuages ?

Les garçons sont devant, j'ai très mal au genou gauche, je traîne. Je leur ai dit et le répète, ils m'attendent 50 mètres devant. Mais repartent immédiatement, je les vois discuter entre eux, je ne sais pas quelle décision ou quelle stratégie ils veulent prendre.
Je leur propose de se mettre à l'abri d'un rocher et d'attendre que ça se calme. Ils décident de continuer. Je les suis, je ne veux pas me retrouver seule.

Après les grêlons c'est la pluie qui revient et le tonnerre. Je ne suis pas rassurée. Pas du tout. On est pas du tout à l'abri.

Des éclairs commencent à tomber pas loin. Je flippe ! Eux aussi. Ils filent devant et je peine à les suivre. Chaque pas me fait mal mais je continue d'avancer aussi vite que je peux.

On quitte enfin le sommet, mais il faut passer par une crête. Bien à découvert. On est espacés de 5 à 10 mètres en file indienne et tout à coup je suis aveuglée par une lumière vive et blanche, la détonation arrive immédiatement après et je sens une onde passer d'une oreille à l'autre, puis je me retrouve sur le cul. Les deux mecs sont également au sol et ont crié. Le deuxième a vu une branche de l'éclair au-dessus de la tête du premier.

Je vois leur tête affolée, je panique encore plus. On se remet à courir tout en hallucinant de ce qui vient de se passer. Ils ne veulent pas s'arrêter. Sous la panique, c'est la fuite.

Je redouble d'efforts pour les suivre et me dis que l'on ne va pas s'en sortir.
Tout le monde va bien ? Echanges très rapides sur de possibles douleurs. Onde de la main à la tête pour les deux. Pas de perte de conscience heureusement.

Je propose que l'on trouve un abri mais ils me répondent qu'il faut que l'on s'éloigne le plus possible.

Et là commence une course effrénée vers le départ de la randonnée. Je suis essoufflée, mon genou me fait vraiment mal et je suis à plus de 100m derrière eux. Parfois je ne les vois pas pendant plus de 5 minutes, et dans ces conditions c'est vraiment long !

Plusieurs secondes mes larmes se mêlent à la pluie mais je reprends vite mes esprits, m'apitoyer sur mon sort ne servira à rien. Et puis je ne veux pas être le boulet du groupe et mettre en danger tout le monde.

Je cherche le chemin à suivre lorsque je ne les vois plus, dans ma tête je demande que les éclairs et le tonnerre s'arrêtent, je les insulte de ne pas m'attendre, de m'abandonner. J'ai conscience qu'ils sont aussi effrayés que moi, qu'ils aimeraient être tous les deux sans boulet à traîner.

Mais dans le même temps je me dis que dans les situations critiques on voit les comportements que les gens adoptent et j'imagine que dans un film d'horreur, ce serait chacun pour soi. Que je survivrais parce que j'aurais pris la décision de me cacher.

Bref plein de conneries me passent par la tête, je culpabilise, pense à ma mère, et me dis que je n'ai pas le droit de lui faire ça, je n'ai pas le droit de mourir.

A un moment j'hésite à m'arrêter et me mettre à l'abri en attendant que ça se calme. Puis je me dis que devant ils vont s'alarmer, se demander où je suis, faire demi-tour et peut-être ne pas me trouver.

Je suis énervée contre eux, on ne devrait pas se séparer, laisser encore moins derrière soi une blessée. Et si je tombe ?

Dans le même temps lorsque je leur crie "Putain vous pourriez m'attendre !!" Ils me répondent énervés qu'ils font que ça, qu'ils me voient et m'attendent.
C'est vrai qu'ils m'encouragent à avancer...

On en a reparlé après les événements. Et j'ai pu constater que l'on n'a pas vécu tout ça de la même façon. Je leur ai dit que parfois je ne les voyais pas pendant un long moment, que j'étais en panique parfois, que je savais que j'étais un poids mais quand même...
Pour eux ils pouvaient me rejoindre en une minute.

Je n'ai pas cherché à discuter plus. Je leur ai fait part de mes ressentis, ils ne veulent pas reconnaître que leur attitude était limite. Tant pis. On en a reparlé avec un de mes responsables de stage, qui est guide de haute montagne et formateur des Accompagnateurs en Moyenne Montagne. Il leur a dit qu'on ne laissait jamais quelqu'un de blessé derrière.

On saura quoi faire la prochaine fois. Au moins ça nous a servi de leçon. Je n'ai pas réussi à en rire aussi rapidement que les mecs mais j'ai pris sur moi. Et puis j'avais mal de partout, et une fois de plus je m'étais sentie seule, pratiquement livrée à moi-même, alors que ce n'était pas vrai.

Arrivés en bas on a quand même décidé d'aller aux urgences pour vérifier que tout allait bien. Ils nous ont gardé pour la nuit. J'étais dans une chambre avec une femme qui avait la télé, et eux étaient ensemble. Je les entendais plaisanter avec les infirmières et médecins. Je me sentais encore une fois hors du coup.
Mais l'un des mecs est venu me voir dans ma chambre et m'a demandé si j'avais mangé. Ah ? Non. Il a réclamé pour moi. Je n'ai pas bougé de mon lit de la nuit.
Ils sont venus tous les deux dans ma chambre, on a discuté et plaisanté devant la télé.

J'ai à peine dormi : moustique, trop chaud, ronflements de la voisine.

Le lendemain on est retourné au bureau, on a vu nos responsables et on les a rassurés. J'étais plus apte à faire des vannes sur l'événement : "je suis au courant ; je te tiens au jus ; on est branché ; j'ai eu un éclair de génie...."

A l'hôpital, on nous appelait les foudroyés "Vous, c'est comme les deux autres, vous avez pris la foudre ?"

Et au stage, évidemment on a eu droit aux leçons de morale sans intérêt mais également à des réponses constructives. Que faire dans ces moments là ? L'attitude à adopter ?

Se mettre à l'abri et attendre que ça passe. De préférence sur un rocher pour éviter l'écoulement de l'eau et virer tout ce qu'on a de métallique. S'assoir sur quelque chose qui ne conduit pas le courant. Se baisser au maximum.

Eviter de se déplacer, ne pas faire de grands pas.

Au moins la formation AMM, on a été en plein dedans ! Du coup ils ont pensé à remanier la formation, car ils parlent des orages qu'une fois sur 3. Et c'est vrai que ça leur a semblé important.

Bref, on en rigole maintenant, l'histoire va vite faire le tour...


Mon portable n'a pas survécu à l'eau... Quelle petite caisse ! J'ai bien survécu à un éclair, moi...